Plus conscient, plus attentif aux ingrédients, à l’environnement, le consommateur d’aujourd’hui a fait évoluer en très peu de temps ses attentes. Confrontés à cette nouvelle équation de monter en performance par des formules de plus en plus « clean », les marques et les laboratoires sont en veille permanente d’innovation, particulièrement à propos des filtres solaires, éléments clés de la formule.
« Nous avons deux familles de filtres à notre disposition, les filtres chimiques et les filtres minéraux. Or, pour les deux il y a des contraintes », confie Ludivine Burlot, responsable R&D du Laboratoire Shadeline, spécialisé dans la formulation de produits dermocosmétiques et solaires.
Parmi les filtres chimiques les plus courants, deux sont sujets à controverse. « Les marques nous demandent de formuler le plus possibles sans les matières controversées, à savoir l’octocrylène et l’OMC (Ethylhexyl methoxycinnamate ou Octyl methoxycinnamate), les deux filtres chimiques les plus décriés comme perturbateurs endocriniens, bien qu’ils soient autorisés par la réglementation », confirme Justine Alexandre, chef de projet marketing chez Alpol Cosmétique.
Le casse tête de la formulation
Pour contourner la contrainte, les formulateurs travaillent des alternatives, toujours alignées sur un objectif d’efficacité de la protection. « Nous avons à disposition d’autres filtres, plus chers car plus récents, et étudions différentes combinaisons qui s’appuient d’abord sur l’efficacité, déduisant le naturel ensuite. Il est quelques fois préférable de privilégier le SPF à la naturalité compte tenu de la visée première de ces produits qui est de protéger les consommateurs. Assurer le SPF est primordial pour nous » ajoute la spécialiste d’Alpol Cosmétique.
La solution d’une protection efficace naturelle et respectueuse passe aussi par les filtres minéraux, à condition qu’ils soient sans nanoparticules, une catégorie dont se méfient également les consommateurs.
Or, ces filtres minéraux impliquent une perte potentielle en sensorialité. Très lourdes, les molécules de titane et de zinc utilisées entrainent un effet blanc sur la peau, difficile à contrer sans leur faire perdre en naturalité.
« Les filtres minéraux non nano sont ceux qui répondent le mieux à la demande de naturalité, d’efficacité et de sécurité. Il y a des traces blanches inhérentes à ces filtres mais notre expertise nous permet de formuler ces produits pour avoir des textures agréables et faciles à étaler. On peut aussi formuler avec des filtres chimiques pour lesquels il n’y a aucun doute. Ils ne sont pas tous mauvais », précise cependant Ludivine Burlot.
Le consensus tendrait donc pour le moment vers une alliance entre filtres chimiques non controversés et filtres minéraux.
Le paramètre environnemental
La volonté de limiter l’impact des produits sur les environnements aquatiques ajoute encore à la difficulté. Elle correspond à une attente récente mais forte de la part des consommateurs et motive l’innovation des gammes.
Face à l’afflux des demandes, Alpol Cosmétique a lancé depuis 2015 un groupe recherche et innovation sur le solaire et a identifié trois axes majeurs sur le volet ocean friendly : résistance à l’eau renforcée pour que la formule ne se déverse pas dans l’océan, biodégradabilité des formules, et réduction des résidus perturbateurs endocriniens pouvant entrainer la féminisation des poissons.
À la croisée de ces questionnements, la marque SeventyOnePercent, créée il y a dix ans par Raphaël Vannier et Marc Levy, deux surfeurs, propose des produits solaires techniques adaptés à leur sport et soucieux de l’environnement.
« Nous voulions aller sur la naturalité mais pas au détriment de la protection », explique Raphaël Vannier. La marque s’est lancée dans un premier temps sur le marché du surf, avec une gamme courte de produits water resistant formulés sans filtres controversés et postulat très pragmatique : des produits « qui restent sur la peau au lieu de partir dans l’eau ».
En 2018, la gamme est reformulée avec les nouvelles avancées techniques, et adaptée à un public plus large. « Notre définition de la clean beauty est de nous remettre en question en permanence. Le produit parfait n’existe pas. À partir du moment où l’on introduit un corps étranger dans l’océan, c’est difficile de se dire qu’il n’aura pas d’impact. Avec des produits hyper water resistant, on limite la dissolution dans l’eau », ajoute Raphaël Vannier.
Les nouveaux développements combinant filtres organiques et minéraux, s’appuient sur des produits anhydres, ou sur des bases huileuses, ainsi que sur un choix de filtres raisonné. « Nous essayons d’utiliser le moins de filtres possibles dans nos formules, tout en étant sur du SPF 50+. L’objectif est d’avoir le produit le plus juste à l’instant T », précise le co-fondateur.
Avec dix références, une distribution renforcée, un site de vente en ligne et une présence forte sur Instagram, le succès est au rendez-vous pour SeventyOnePercent. Les produits se déclinent avec des formules de 80% à 100 % de naturalité pour certains produits, en trois teintes : invisible, blanc (assumé par les surfers/sportifs) ou coloré (ludique pour les enfants).
« Nous avons un très bon accueil parce que nous traitons le sujet différemment, en jouant de transparence sur nos messages. On ne prétend pas faire le meilleur produit, on essaie de faire le produit le plus juste. Il faut aussi décomplexer le discours et faire que le temps au soleil reste un moment de plaisir », assure Raphaël Vannier.
Moins de filtres ?
En l’absence d’alternatives « idéales » aux filtres solaires, les laboratoires travaillent effectivement à la possibilité d’en réduire la quantité pour un résultat équivalent. C’est le cas du Laboratoire Shadeline qui, en synergie avec les autres laboratoires du groupe Anjac Health & Beauty, auquel il est affilié, travaille sur un complexe moléculaire naturel breveté, le SPF Boost. Ce complexe d’ingrédients naturels vient multiplier la puissance des filtres chimiques et minéraux et permet ainsi d’en réduire la quantité sans sacrifier à l’efficacité d’une protection SPF 50+, et toujours avec une belle sensorialité. Actuellement en phase de développement, au sein des Laboratoires Shadeline, Sicaf et Innovi, l’inventeur de l’ingrédient, le SPF Boost devrait être commercialisé cette année.
« La protection solaire, parce qu’elle a un intérêt de santé publique va de plus en plus s’utiliser partout dans notre environnement, voire tous les jours. Les filtres ne doivent pas être la seule réponse à la protection. Il faut prendre de nouvelles habitudes. Nous travaillons aussi sur le sans filtre, qui prendra plus de temps », conclut Ludivine Burlot.