Un mouvement où flirtent santé et beauté
Comme souvent en cosmétique, le paradigme « clean » a fait ses débuts dans l’alimentaire. Face à une grande industrie perçue comme à risque, le « clean eating » (42 millions de hashtags sur Instagram) prônait ainsi le refus des produits pré-préparés, soupçonnés de contenir des additifs indésirables ou des pesticides, et mettant l’accent sur le décryptage minutieux des étiquettes et la traçabilité des ingrédients.
Une défiance face aux produits de grande consommation (avec ses dérives, comme l’orthorexie) qui a naturellement cascadée sur le marché de la Beauté. Car, tout comme les produits alimentaires, les cosmétiques « s’ingèrent » : s’utilisant à même la peau et relevant de la sphère de l’intime, ils doivent avant tout inspirer confiance.
Une tendance accélérée par le digital
Ainsi, savoir ce que contient un produit et être en mesure d’en décrypter l’étiquette est devenu une priorité pour les consommateurs dont les connaissances ne cessent de s’accroitre grâce au digital. C’est ce que confirme une étude américaine menée par Label Insight, révélant que 46% des interrogés affirment vérifier l’origine d’un produit en magasin via leur smartphone, chiffre grimpant à 56% pour les consommateurs Millennials.
En effet, l’arrivée des jeunes générations sur le marché ne cesse de renforcer cette nécessité de transparence, ces derniers étant de moins en moins sensibles aux techniques de greenwashing et désormais armés d’applications permettant de scanner les produits telles que Clean Beauty, Yuka, Inci Beauty, Pharmapocket, CosmEthics, Healthy Living, 화해 (Hwahae) en Corée, ou encore Beat the Microbead, qui puisent dans des bases de données pour détecter la présence d’indésirables.
Clean Beauty : cachez ces ingrédients que je ne saurais voir
Car ce sont ces indésirables qui définissent véritablement la Clean Beauty qui désigne plus une absence d’ingrédients plutôt qu’un traditionnel enrichissement en ingrédients. Une politique radicale de « no nasties » identifiant des actifs ennemis parmi les « produits chimiques » et « ingrédients artificiels ». Une philosophie que résume bien la marque française Seasonly :“the skin you want, minus the ingredients you might not.”
À chaque marque sa clean beauty
Alors qu’il existe légalement des interdictions concernant l’utilisation de certains actifs (plus sévères en Europe qu’aux US), le label « Clean Beauty » n’existe pourtant pas en tant que tel. C’est donc aux marques et retailers de définir leurs propres règles, regroupant généralement la formulation de produits de manière « mindful » dans des laboratoires « safe », n’utilisant pas de produits toxiques ou de substances controversées, et favorisant les ingrédients traçables.
Une opportunité pour les marques indies dont la petite taille et les rendements moins importants inspirent plus facilement confiance. Pour ces marques, définir une vision de la Clean Beauty est au cœur même de leur manifesto. Goop, marque star créée par Gwyneth Paltrow, détaille ainsi sur son site : « Chez Goop, nous créons de nouveaux standards en matière de Beauté. Clean pour nous est un concept intense : cela veut dire un produit non toxique, élaboré sans les actifs présents sur notre liste évolutive qui nuisent à la santé, perturbent les hormones, sont liés à certains cancers, et irritent la peau. Pour n’en nommer que quelques-uns : parabens, phthalates, PEGs, ethanolamines, filtre solaires chimiques, parfums synthétiques, BHT, BHA. »
Même démarche pour Tata Harper, l’une des mères fondatrices du mouvement en 2010. « Chacun de nos produits est une Formule Complexe. C’est à dire enrichie en ingrédients à leur plus haut degré de concentration pour délivrer un maximum de résultats – sans la moindre goutte de produit chimique. » Soit : GMO, toxine, fillers, couleurs artificielles, parfums artificiels et produits synthétiques. Reconnue comme l’une des marques de Clean Beauty les plus premium, le chiffre d’affaire de Tata Harper approcherait aujourd’hui des 68 millions de dollars (source : WWD).
Des retailers clean, et des retailers mainstream qui se convertissent au clean
D’abord pionnier de la Green Beauty aux États Unis, The Detox Market n’est pas en reste quand il s’agit de Clean Beauty, étant depuis ses débuts curateur des nouvelles marques non toxiques. Sur son site, le retailer affirme avoir passé un « serment de sûreté » (safety pledge) promettant de ne vendre que des produits sans parabens, parfums synthétiques, PEGS et autres produits pétrochimiques.
Credo, autre acteur majeur de la Clean Beauty lancé à San Francisco en 2015, compte désormais plus de 8 boutiques et spas à travers les États-Unis. Sur sa liste d’ingrédients interdits dite “dirty list” on retrouve poudre d’aluminimum, EDTA, pétrole, paraffine, phthalates, colorants, glycoles, lanoline et keratine.
Petit dernier de la tribu clean de Manhattan, Follain, propose à ses clientes habituées du luxe de créer des « swaps » de leurs produits quotidiens avec des produits clean de très haute qualité. Le retailer compte parmi ses marques French Girl, Osea, Rahua, Pai ou encore Tata Harper, et propose lui aussi sur son site une liste particulièrement exhaustive d’ingrédients interdits.
Enfin, la Clean Beauty fait son chemin vers le mainstream avec la dernière initiative américaine “Clean at Sephora”, un label que le grand retailer a décidé d’apposer sur une sélection de produits qu’il juge comme étant “clean stuff only”, avec pour slogan “the beauty you want, minus the ingredients you might not.” Sephora devient ainsi curateur de produits clean qu’il garantit sans sulfates, SLS, SLES, parabens, formaldehyde, huiles minérales, retinyl palmitate, oxybenzone, hydroquinone, triclosan et triclocarban. Sephora promet également que ces produits contiendront moins d’1% de parfum synthétique.
Alors que la Clean Beauty devient mainstream aux USA, en Europe et en Asie, c’est la beauté naturelle ou green qui est privilégiée. En France, le Printemps vient d’ouvrir un espace « Green Market », corner dédié à la beauté naturelle. Au Japon, Cosme-Kitchen est l’un des « key players » de la beauté naturelle et bio.
En définitive, l’émergence d’une nouvelle Clean Beauty « premiumisée », laisse entrevoir ce que sera ce mouvement demain : toutes les promesses rassurantes d’une démarche safe, alliées à l’opulence et à la sensorialité de produits de luxe.